La semaine dernière nous parlions du film Birth of the Dragon, retour sur les évènements ayant inspirés ce film !
Merci à Renaud pour sa traduction de ce texte. Vous pouvez retrouver son blog à cette adresse !
Bruce Lee vs
Wong Jack Man
Mythes et réalité : la naissance du Dragon,
par Charles Russo / Fightland.vice.com, 3 octobre 2016
Illustration
: Andrew Strawder
A la fin de l’automne 1964, Wong Jack
Man et cinq autres personnes s’entassent dans une Pontiac Tempest de couleur brune, tandis
que le soleil se couche dans la baie de San Francisco.
Le petit groupe quitte Chinatown pour
rouler vers l’est au-delà du Bay Bridge jusqu’à la nouvelle école de Kung fu de
Bruce Lee située sur Broadway Avenue à Oakland. Après des semaines d’échanges
par messages interposés qui exacerbent les tensions, le temps de la
confrontation est arrivé.
L’affrontement qui se dessine cette nuit-là,
presqu’à huis clos, devant un public restreint, sept personnes au juste, est
une rencontre légendaire qui défie les normes. Face à face : deux jeunes spécialistes
des arts martiaux âgés de 23 ans, débordant d’énergie, très différent l’un de
l’autre, aussi opposés que complémentaires, comme le yin et le yang en quelque
sorte ; l’ascétique taiseux contre l’artiste tapageur, le gardien des
traditions contre le novateur, San Francisco contre Oakland, le Shaolin du Nord
contre celui du Sud. La suite va affecter les deux combattants pour le reste de
leur vie, et de façon différente et opposée également : l’un, en survivant
silencieux, dans l’ombre envahissante de ce combat pour des décennies, l’autre
devenant avec audace une icône mondiale, disparue trop tôt.
Bien plus qu’un fougueux clash d’egos,
l’incident a une portée plus large. Non seulement, il redéfinit l’approche du
combat pour l’homme qui va devenir le spécialiste des arts martiaux le plus connu
au monde, mais l’affrontement est en lui-même un moment clé dans une bataille
entre deux visions du monde. Si Bruce Lee est devenu le père spirituel des
compétitions actuelles d’arts martiaux mixtes, alors son combat avec Wong Jack
Man est le moment où il teste la validité de techniques de combat, à la manière
des premières rencontres UFC à la fin des années 1990, dévoilant de manière
radicale ce qui était efficace et ce qui était de l’ordre de l’afféterie.
Ce contexte a cependant été pour une
grande partie perdu de vue dans le brouhaha des 50 dernières années : cette
confrontation semblant balancer au mieux entre le mythe urbain absurde et
l’hommage fanatique au culte de Bruce Lee. Alors qu’Hollywood prépare la sortie
d’une version exagérée du combat, une nouvelle vague d’histoires fausses a
commencé à déferler.
L’extravagant nouveau film de George
Nolfi, Birth Of the Dragon, dépeint Wong Jack Man comme un moine Shaolin en
pèlerinage, venu prêter main forte à Bruce Lee dans sa guerre à la mafia. Le film
est dans la lignée du biopic déjà décrié, Dragon : The Bruce Lee Story, qui
montre le fameux combat comme une sorte de joute médiévale, devant un conseil
de vieux ninjas, et se concluant sur un coup de pied vicieux de Wong dans la
colonne vertébrale de Bruce.
Par contraste, les faits sont infiniment
plus fascinants que le mythe.
Le
jeune Bruce Lee avec ses partenaires de l’époque Oakland : Ed Parker (au
centre) et James Lee à l’école de Kenpo en novembre 1963. Bruce trouve dans le
cercle de James Lee à Oakland un groupe de pratiquants très ouverts. Il
déménage de Seattle pour continuer à pratiquer avec eux. (photo : Greglon Lee)
Oakland
Au début des années 60, la baie de San
Francisco est un lieu d’importance pour les arts martiaux dont la culture se développe
autour d’une variété de pratiquants talentueux, originaires du Sud de la Chine,
d’Hong Kong et d’Hawaii. Bruce abandonne l’Université, et quitte brusquement la
bonne situation qu’il a bâtie à Seattle pour prendre part à cette communauté
innovante.
Il s’installe plus précisément à Oakland
pour travailler avec James Lee (avec qui il n’a pas de lien de parenté), un
ouvrier qui a le double de son âge et une bonne réputation, depuis sa jeunesse,
de bagarreur et de culturiste sérieux. James est aussi un novateur brillant, et
entrevoit déjà l’avenir des arts martiaux aux Etats-Unis, ce que Bruce commence
seulement à envisager. James publie ses propres livres, élabore son propre
équipement de musculation et met en place dans son garage un environnement très
moderne d’entraînement. Il présente rapidement Bruce à son cercle de
pratiquants talentueux et progressistes, notamment Wally Jay, un maître de
JuJitsu novateur, et Ed Parker, pionnier du Kenpo Karaté américain. En 1963,
c’est James qui publie, à travers sa propre maison d’édition, le premier livre
de Bruce : Chinese Gung Fu: The Philosophical Art of Self-Defense.
Bruce trouve tout ce qu’il est venu
chercher à Oakland : un espace de réflexion unique sur les arts martiaux, un
laboratoire où il peut pratiquer et discuter à leurs propos 24 heures sur 24,
et 7 jours sur 7, au milieu de collaborateurs expérimentés et ouverts d’esprit.
Cette période passée à Oakland est une étape clé dans la vie de Bruce : il
écrit le seul livre publié de son vivant, attire l’attention d’Hollywood,
combat Wong Jack Man, et pose les bases du Jeet Kune Do.
Bizarrement, cette période retient moins
l’attention des biographies qui lui sont consacrées, malgré la richesse des
enseignements qu’il en tire. En phase avec cette tendance, le film Birth Of The
Dragon omet non seulement le rôle de James Lee dans cette histoire mais passe complètement
sous silence la période à Oakland. Le film replace l’action uniquement à San
Francisco, où les choses furent pourtant
bien différentes pour Bruce Lee.
Lau
Bun (à gauche) and TY Wong ont présidé aux destinées du monde des arts martiaux
de San Francisco durant trois décennies. La plupart des évocations du combat
entre Bruce Lee et Wong Jack Man ne prennent pas en compte Chinatown comme
contexte entourant la culture des arts martiaux et comment cette communauté a
pris en compte l’événement (Photo : UC Berkeley)
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