dimanche 3 avril 2022

Wing chun et handicap : aveugles et malvoyants [partie 4]

Si mes articles vous plaisent, n'hésitez pas à laisser un commentaire à la suite de ceux-ci, ça fait toujours plaisir ;) !
Vous pouvez également me laisser un message en commentaire du livre d'or si le cœur vous en dit !
 
Partie 1Partie 2 Partie 3 Partie 4 Partie 5

Dans les lignes qui suivent, je ne détaillerai volontairement pas chacune des applications qui ont été vues, le but de cet article étant de montrer comment j’ai effectué la transmission de savoir, pas de me répéter pour chaque application.
Les applications travaillées concernaient les réactions face à :
  • un étranglement de face
  • un étranglement par derrière
  • une saisie des poignets (2 variantes)
  • une saisie du buste par derrière sans emprisonner les bras
  • une saisie du buste par derrière en emprisonnant les bras
  • une saisie du cou par derrière dans le but d’une mise au sol
Pour expliciter la méthode pédagogique employée, je vous propose de détailler la première application, la réaction face à un étranglement de face :
 
Véronique (à droite) fait travailler à Monique (à gauche) la défense contre un étranglement de face.
 
Il ne s’agit pas de la seule application pour se défendre face à un étranglement, c’est simplement celle que j’ai choisi de transmettre ce jour-là.
 
Il était très important de détailler verbalement ce qui allait se passer afin que les stagiaires ne soient pas pris au dépourvu. Ainsi j’expliquais que nous allions travailler sur un étranglement lorsque l’adversaire se trouvait devant nous :
« Nous allons nous placer dans le cas où votre agresseur vient pour vous étrangler, il est face à vous. Il faut bien entendu réagir rapidement, sans quoi vous risquez de manquer d’air.
A ce moment là vous allez venir chercher le creux du coude de l’un des bras de votre agresseur avec votre main en passant par l’extérieur de son bras. » Comme j’ai des personnes malvoyantes susceptibles de me voir je montre le geste avec l’un de mes assistants dans le même temps.
 
« Vous allez ensuite tirer son coude vers le bas et vers vous, en diagonale vers le bas donc, tout en frappant simultanément en direction du menton de l’adversaire avec votre main libre. Cela fait vous allez chasser l’un des bras de l’agresseur avec un coup de coude vers l’extérieur. Si par exemple vous avez frappé du poing gauche, vous réaliserez votre coup de coude avec le bras gauche et irez vers votre gauche. Puis d’un coup de paume, avec la main gauche dans notre exemple, vous allez chasser l’autre bras de l’adversaire et finirez, une fois libre avec des coups de poings enchaînés. »
 
Je marque une pause avant de poursuivre : « Nous allons maintenant passer à la pratique. Ne vous en faîtes pas, je vais vous guider étape par étape. Pour simplifier la tâche à chacun je vais imposer le bras avec lequel vous allez frapper au menton de l’adversaire. Mais par la suite je vous encourage à essayer des deux côtés.
Attention, les personnes travaillant avec vous sont vos partenaires d’entraînement, ce sont aussi mes assistants et j’ai envie de pouvoir faire appel à eux à nouveau alors retenez vos coups lorsque vous les attaquez ! » Cette dernière remarque est dite avec le sourire mais est néanmoins importante. Je ne veux pas d’un accident durant mes cours.
 
« Bien, les agresseurs, mettez vous en position. Maintenant chacune des personnes qui se défendent va venir chercher le coude gauche de son agresseur avec sa main droite. »
Je suis pour ma part placé face à Pierre, l’un des malvoyants et viens prendre contact avec son cou avec mes mains.
Je regarde rapidement si chacun s’en sort avec son élève, même s’ils sont aujourd’hui mes assistants, en temps normal ce sont mes élèves et à l’époque de ce stage ils n’avaient pas une grande expérience de l’enseignement. S’ils sont là c’est parce qu’ils sont capables d’expliquer les choses mais je ne veux pas que l’un d’eux soit à un quelconque moment en difficulté. Il en va de même pour les stagiaires.
 
« Parfait, à présent vous allez tirer vers le bas et vers vous votre main droite en même temps que vous allez frapper doucement vers le menton de votre binôme avec votre main gauche. Les deux gestes doivent êtres simultanés. D’une main vous tirez, de l’autre vous poussez afin d’augmenter l’efficacité de votre mouvement. »
J’ajoute que bien entendu face à un réel adversaire, ils n’ont pas besoin d’aller aussi doucement.
 
Visiblement tous s’en sortent, je passe donc à l’étape suivante : « Bien, à présent il faut chasser les bras du binôme. Avec votre bras gauche vous allez donner un coup de coude vers l’extérieur pour chasser le bras droit de l’adversaire. »
Je marque une pause pour les laisser faire avant de reprendre : « Puis avec le même bras, vous allez chassez l’autre bras, le gauche, de l’adversaire d’un coup de paume dans le creux de son bras. »
 
Ils s’en sortent tous. Parfait ! « Bien, vous avez réussi à vous libérer. Et maintenant que faites vous ? »
« Coups de poings enchaînés ! » Me lance Valérie !
« Exactement ! Allez-y, en contrôlant vos frappes. »
 
Une fois qu’ils ont procédé, je leur laisse un peu de temps pour reprendre l’exercice en autonomie. Je les laisse essayer avec une main ou l’autre et de mon côté je laisse Pierre quelques instants pour passer parmi les autres stagiaires afin de conseiller et corriger lorsque je vois que c’est nécessaire. J’ai cependant la chance d’avoir de très bons assistants et hormis quelques précisions techniques, j’ai eu assez peu de travail de correction sur cette application.
 
Je reviens ensuite vers Pierre et nous reprenons l’exercice ensemble. Il s’en sort bien et m’a confié avant le début du stage qu’il aimerait vraiment rejoindre le cours classique. Je lui ai dis que le mieux était d’en parler avec Sifu, ce que Pierre fit avant d’intégrer le cours classique pour mon plus grand plaisir.
 
Pour les autres applications, j’ai procédé de même en terme de méthode :
  • en priorité dire ce que nous allons faire en balayant tout terme technique afin de vulgariser au maximum mon discours ;
  • exécuter la technique en même temps pour ceux qui sont malvoyants ;
  • laisser les stagiaires mettre en pratique, sous ma direction, en les guidant étape par étape ;
  • les laisser pratiquer en autonomie en circulant parmi eux pour d’éventuelles corrections / précisions.
Et toujours : être à l’écoute de leurs nombreuses interrogations.
 
Sur la première édition du stage, étant donné qu’ils étaient plus nombreux, nous avions laissé les stagiaires pratiquer ensemble, sous l’œil de mes assistants et de moi-même. Cette fois, comme ils étaient moins nombreux mais que mes assistants ont quand même répondu présent, nous avons chacun pratiqué avec un stagiaire.
J’ai sélectionné des élèves du club en capacité de transmettre et qui apprécient de le faire. Leur motivation à m’aider m’a vraiment fait plaisir. Christophe, l’un de mes élèves, m’a d’ailleurs dit qu’il trouvait cela normal de m’aider si j’en avais besoin. J’ai trouvé cela vraiment touchant.
 
Après avoir travaillé toutes ces applications, je passe à la suite de mon programme. La fois précédente Je les avais fait travailler un peu sur les mains collantes et leurs applications possibles en self-défense. Les mains collantes sont parfaitement adaptées à un public malvoyant et je pense continuer sur cette partie lors de la troisième session, tout en ajoutant une partie tao si cela intéresse les stagiaires.
Cette fois c’est sur un programme de réflexe que je veux travailler, celui du premier degré d’élève (le premier grade).
 
Mon idée lors du premier stage était de leur donner des applications pour réagir face à des situations d’agression, mais aussi leur faire découvrir un peu l’art martial que je pratique. Comme cette partie a eu un certain succès la dernière fois, j’ai décidé de poursuivre avec un programme de réflexe. Le but n’est pas de les amener à présenter leur degré pour le valider mais bien de leur donner un aperçu du wing tsun kung fu. J'ai pensé aussi que cette dernière partie plus mécanique pouvait leur paraître ludique et leur permettre de terminer le cours de façon détendue (la self défense demandait de leur part beaucoup d'efforts de concentration et mémorisation) tout en leur apportant des notions utiles en complément de la self défense. Une « fausse récréation » en quelque sorte.
 
Avant d’expliquer ce que j’ai fais ensuite durant ce stage, j’aimerais parler un peu d’un outil pédagogique que j’utilise, que ce soit en wing tsun ou dans mon travail. Il s’agit de l’approche positive.
Celle-ci consiste à aborder l’élève en commençant par ce qu’on a vu de bien, puis de lui donner un ou deux axes d’amélioration.
Le but est qu’il se sente valorisé : il a fait des choses bien, et de lui dire quoi améliorer pour faire encore mieux.
Dans mon travail cela me sert surtout pour faire passer des messages liés à la prévention mais la méthode m’ayant plu, j’ai décidé de la transférer à l’enseignement du wing tsun.
 
Comme pour les applications, nous prenons chacun un stagiaire avec nous. Je dirige l’exercice en expliquant dans un premier temps ce sur quoi nous allons travailler, ce qu’est un programme de réflexes :
« Le but d’un programme de réflexe est de développer, comme son nom l’indique, des réflexes. Ici nous allons travailler sur la réaction face à un coup de poing direct, un coup de pied circulaire bas et enfin un coup de pied droit. Je ne peux malheureusement pas vous permettre de voir le coup de poing arriver comme il le faudrait pour certaines applications, mais ce programme vous permettra de découvrir un peu ce qu’est notre art martial, le wing tsun. 
 
Dans un premier temps nous allons travailler comme si nous voulions réaliser des coups de poings enchaînés, sauf qu’au lieu de frapper des deux mains, nous allons attaquer avec la main droite et bloquer avec la gauche. Pour ce faire, il faudra ouvrir la main gauche (pak sao), doigts tendus vers le ciel et bloquer le coup de poing de l’adversaire au niveau de son avant-bras.
Pour l’attaque, je vais vous demander de viser à hauteur du plexus de votre binôme. Pour les assistants, essayez de vous placer avec quelqu’un d’à peu près votre taille, ce sera plus simple pour une initiation.
 
En plus du travail avec les mains, je vais vous demander d’adopter la position suivante : vous aurez la jambe droite en avant et placerez votre poids sur la jambe arrière, donc la gauche, comme pour vous asseoir dessus. Votre pied droit sera légèrement tourné vers l’intérieur, de même que votre genou. Ce pour protéger votre entrejambe, mais aussi pour sentir certaines attaques venir. J’y reviendrai plus tard. Vous aurez du contact avec le pied de votre binôme qui aura la même position de jambe. Comme si vos pieds étaient fixés l’un à l’autre. »
 
Je commence donc avec Valérie, la malvoyante avec qui je m’étais entretenu avant le premier stage afin de peaufiner certaines choses. Je suis obligé de légèrement corriger la position de son pak sao mais rapidement elle trouve la bonne position et nous continuons ainsi quelques instants.
Je jette un coup d’œil alentour et constate que ça se passe bien dans les quatre autres groupes.
 
« Si votre jambe d’appui fatigue, n’hésitez pas à changer de côté. Vous allez le faire et je vais vous guider !
Au lieu de mettre un coup de poing avec votre main droite, vous allez exécuter la même défense qu’à gauche pour bloquer la défense de votre binôme. Votre autre main vient alors se placer en protection, la main arrière lorsque vous être en garde ! Tout le monde y est ? » Ils y sont ! « Super, maintenant reculez votre jambe avant au niveau de votre jambe d’appui. Transférez le poids. Votre binôme est en train de faire exactement la même chose au niveau des jambes. Maintenant vous avancez votre ancienne jambe d’appui en même temps que vous frappez du poing gauche. Si j’avance la jambe gauche, je frappe du poing gauche, et inversement. »
 
Je leur fais faire plusieurs fois, les faisant mener deux fois d’affilée pour qu’ils fassent le geste à gauche et à droite, puis ce sont les moniteurs qui exécutent la technique deux fois. Je les laisse faire encore une paire de fois, puis les moniteurs et moi-même reprenons l’exercice classique pour encore quelques minutes en alternant les changements de côté. J’encourage les stagiaires à prendre l’initiative pour ces changements.
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