dimanche 30 mai 2021

Ma mère, Véronique

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Le wing chun est un art martial comptant plusieurs femmes remarquables dans sa légende, telles Ng Mui ou Yim Wing Chun, mais aussi des femmes comme Lee Kui-On ou encore Cheung Wing-sing qui si elle n’était, à ma connaissance, pas pratiquante de wing chun était là pour son époux, Ip Man et pour ses enfants, ayant passé une partie de sa vie loin de son époux à veiller sur une partie d’entre eux. Cheung Wing-sing était épouse mais aussi mère et en ce jour c’est aux mères pratiquantes d’arts martiaux que je dédie cet article. 
 
J’aimerais donc vous parler un peu d’une mère aujourd’hui, à mes yeux la plus importante de toutes puisqu’il s’agit de la mienne, Véronique. Certains de mes lecteurs le savent déjà, ma mère est pratiquante de wing chun. 
 
Être mère et se dédier à une passion n’est certainement pas toujours simple. Je sais que par le passé ça a pu être un frein à la pratique d’un art martial pour elle et je suis toujours admiratif de ces personnes qui se consacrent à leur famille et trouvent malgré tout l’énergie, la force, de s’adonner à une passion, martiale ou non. J’ai en tête une pratiquante d’aïkido par exemple. 
 
En 2009, Véronique était assez stressée par son travail et cherchait une activité pour extérioriser tout cet énervement qu’elle accumulait. J’étais alors déjà pratiquant de wing chun depuis quelques années et je commençais tout juste à assister mon Sifu avec les élèves. Bien sûr j’aurais aimé qu’elle rejoigne le club dont je fais partie, mais je voulais quelque chose qui lui convienne, un art martial qui pourrait réellement lui apporter quelque chose. Je lui ai donc proposé d’aller essayer divers arts martiaux, et de l’accompagner aux cours d’essai car il est toujours agréable d’avoir un visage familier avec soi dans ces moments. 
 
Nous avons testé ensemble un premier art martial, plaisant mais ne répondant pas aux attentes de ma mère. Le second club était l’Académie de Wing Tsun Kung Fu Strasbourg. Ce soir-là j’ai encadré deux élèves venant pour un cours d’essai, dont ma mère. C’est une expérience intéressante d’enseigner à sa propre mère qui nous a déjà tant appris sur quantité de sujets. Le cours et l’ambiance dans le club lui ont tout de suite plu et même si nous pouvions encore visiter d’autres salles, dojo, kwoon, elle a choisi de s’inscrire dans ce club. 
Ce n’était pas sa première expérience des arts martiaux, mais elle n’en avait plus pratiqué depuis longtemps. Ainsi à 45 ans elle s’inscrivait dans un club de wing chun. 
 
 
Lorsque les gens apprennent que nous pratiquons la même activité, beaucoup s’imaginent que c’est elle qui m’y a initié. C’est souvent l’un des parents qui initie l’enfant dans un tel cas, mais ici ce fut le contraire, ce qui nous amuse beaucoup. Même au club les réactions des élèves en découvrant que Véro est la mère de l’un des enseignants sont assez amusantes parfois. 
 
J’ai déjà fait face à des inquiétudes quant au fait que j’enseigne à ma mère et que ça pouvait difficilement marcher puisque dans notre société il est rare qu’un enfant, même adulte, enseigne à un parent. En vérité ma mère et moi avons davantage une relation amicale que mère-fils et durant les cours elle m’appelle Sihing. Ainsi, depuis une dizaine d’année cela fonctionne très bien, mais cela fonctionne parce que ma mère a l’intelligence de faire abstraction de ce qui ne concerne pas le cours durant celui-ci. Durant les cours elle est une élève et non « la mère de ». De toute manière je n’aimerais pas qu’elle soit définie comme « la mère d’Orphée », elle est Véronique et se définit par elle-même et non pas les autres. 
 
Aujourd’hui elle prépare son troisième degré technicien, ce qui me fait vraiment plaisir et me rend fier d’elle, de mon élève. La pandémie a bien entendu mis un frein sur sa progression, mais nous travaillons régulièrement ensemble et je ne doute pas que lorsque les cours pourront reprendre dans l’école de Strasbourg dont nous faisons partie, nous pourrons retravailler de façon beaucoup plus intensive et qu’elle pourra reprendre sereinement la préparation de son degré.
 
 
Ensemble nous avons eu l’occasion de pratiquer différentes disciplines martiales parfois sur plusieurs années, comme ce fut le cas de l’eskrima, ou parfois le temps d’un stage comme ce fut le cas du sanda, des AMHE (escrime gauloise, messer, dussack), d’autres styles de wushu, de la boxe de rue, le ta kao ou encore de kajukenbo. Nous avons visité plusieurs écoles, elle m’en a fait découvrir certaines d’ailleurs, dans divers pays et même sur divers continents. Notre chemin, martial ou non est encore long et j’ai hâte de voir jusqu’où elle ira ! Quoi qu’il en soit, je serai toujours là pour l’accompagner, l’épauler et la voir progresser et je sais que c’est réciproque. 
 
Véro, merci d’être qui tu es !
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