dimanche 19 septembre 2021

Entretien de Hawkins Cheung, avec Robert Chu [partie 1]

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Avant de lire cet article, je vous conseille de lire celui-ci, si ce n’est pas déjà fait. 
 
Partie 1 Partie 2 Partie 3
 
Entretien de Hawkins Cheung, avec Robert Chu, dans “Inside Kung-Fu” Janvier 1992 
Traduction par Véronique
 
 
Source : https://hawkinscheung.com/wp/about 
Traduction : Véronique 
 
Pour comprendre Bruce et son art martial, il faut se référer à la paternité de cet art, le wing chun. Le wing chun, dans les années 50 était un système de combat très prisé, du fait de sa réputation suite à des challenges avec d’autres systèmes de gung-fu. Le wing chun était apprécié pour sa simplicité, son côté direct, l’économie de mouvements et le style non classique.
 
 
Beaucoup ont voulu apprendre comment combattre. C’est à cause de cette réputation du wing chun que Bruce et moi nous y sommes mis. Le truc avec le wing chun c’est qu’une fois que vous avez débuté la première forme vous vous sentez frustrés. Nous demandions « pourquoi devons-nous apprendre ça ? Comment pourrait-on combattre de cette manière ? » Tout le monde voulait apprendre très vite la siu nim tao, pour pouvoir passer aux exercices des mains collantes. Le dan chi sao (main collante unique) n’était pas très fun, donc les plus jeunes élèves voulaient passer à la suite encore plus rapidement. Quand enfin vous passiez aux exercices de mains collantes à deux mains, vous étiez très excités et pensiez « ça y est je peux combattre à présent ! Je connais le wing chun » Nous aimions copier nos anciens. Si par hasard vous arriviez à donner un coup à votre adversaire vous étiez très excité. « Je peux le battre à présent » c’était notre première pensée. Bref tout le monde voulait battre son partenaire et devenir le mâle alpha. 
 
Tout le monde essayait aussi d’être bien vu des anciens, afin qu’ils nous montrent plus de trucs pour battre le gars qu’on n’aimait pas, ou celui avec lequel on était en compétition. Ainsi les élèves se regroupaient et mettaient sur pieds des compétitions avec d’autres groupes. Chaque groupe pensait pouvoir vaincre l’autre groupe. Je pense que c’est comme ça que la politique du wing chun a débuté. Comme je pesais à peine 50 kg, j’avais beaucoup de mal avec des adversaires plus grands que moi. A cette époque j’essayais aussi de collecter autant de trucs que possible pour battre mes adversaires. Mais une fois que l’adversaire connaissait lui aussi tel truc, il fallait trouver une autre astuce. Et une fois que votre adversaire connaissait toutes les astuces, si vous étiez petit, vous étiez bien embêté. Le vieux dicton « même jeu, même façon, le plus grand gagne toujours » s’applique dans tous les sports. 
 
Plus tard les trucs ne servirent plus à rien. J’étais toujours débordé du fait de ma puissance limitée quand on en arrivait à la pratique avancée des mains collantes. J’étais très frustré car mes opposants connaissaient toutes mes tactiques et qu’ils étaient plus forts que moi (physiquement). Si je donnais un coup, ça ne leur faisait rien. Ils pouvaient l’encaisser et m’en retourner un. Je découvris que les mains collantes n’avaient rien à voir avec le combat à distance. Dans un combat à distance un poids léger peut bouger plus vite qu’un poids lourd. Mon dilemme était que j’apprenais le wing chun et pas un système de combat à distance. 
 
Les mains de Yip Man 
 
J’étais toujours débordé quand je pratiquais le chi sao avec des aînés plus grands que moi. Tous ceux qui apprenaient le wing chun voulaient perpétuellement prouver qu’ils étaient meilleurs que les autres. La plupart des pratiquants focalisaient sur l’aspect offensif des mains collantes. Ils tentaient d’apprendre comment toucher en premier leur adversaire. La pratique devint un jeu de combat. Le plus fort gagnait. Les egos étaient sollicités et chacun voulait être le meilleur. Il y a un dicton en wing chun qui dit « Ne t’attache pas à la notion d’avancé ou débutant. Celui qui atteint la compétence est avancé » cela signifiait « nous n’avons pas d’avancés » parce que nous étions meilleurs que les avancés. En wing chun on dit que nous n’avons pas d’avancés car nous tentons de devenir meilleurs qu’eux, et éventuellement meilleurs que le fondateur. Si vous voyez votre art de cette manière, vous ne pouvez que progresser.
 
 
Durant cette période j’avais du mal. J’ai souvent songé à tout arrêter, jusqu’à ce que finalement je m’en ouvre au vieil homme (Grand Maître Yip Man). Il me disait toujours « Relax ! Relax ! Ne t’excite pas ! » Mais chaque fois que je pratiquais le chi sao avec quelqu’un il m’était difficile de me relaxer, surtout quand j’étais touché. Ça me mettait en colère. J’avais envie de tuer mon adversaire. L’exercice des mains collantes devenait un combat et les deux partis en sortaient blessés. La question était « qui a été blessé le plus ? », et en général, parce que j’étais plus petit, c’était moi qui avais le plus de blessures. 
 
Quand je voyais Yip Man pratiquer les mains collantes avec d’autres, il était très détendu, et il parlait avec ses adversaires en même temps. Parfois il débordait son partenaire sans même avoir à le frapper. Quand je pratiquais avec lui je ressentais toujours que c’était lui qui contrôlait mon équilibre quand je tentais de le toucher. J’étais perpétuellement déséquilibré, avec mes orteils ou mes talons qui quittaient le sol ! Je sentais mes mains rebondir quand je tentais de le toucher. C’était comme si Yip Man utilisait ma force pour me toucher. Ses mouvements étaient tellement légers, c’était comme s’il ne faisait rien, comme s’il n’avançait même pas ses mains ! Quand j’étais repoussé c’était très confortable, pas du tout violent, et pourtant je ne voyais toujours pas ses techniques. Quand je lui demandais comment il faisait, il me disait simplement « comme ça » et il me faisait une démonstration de sa façon d’avancer les mains qui était la même que dans les exercices. Je le voyais faire ça pour d’autres élèves, même des avancés. Il ne portait jamais un coup à ses étudiants, mais les mettait dans une telle position que tous les autres riaient. Il était le plus drôle des vieillards. Je n’ai jamais vu Yip Man reculer d’un pas durant le chi sao. 
 
Je me disais, ce vieil homme a ma taille et mon poids, comment peut-il contrôler ses étudiants aussi facilement ? Et donc chaque fois qu’il pratiquait le chi sao avec un étudiant, je regardais sa parfaite structure corporelle de wing chun. Chaque fois qu’il avançait d’un pas son opposant était repoussé. Peu importe la taille de celui-ci, Yip Man n’adoptait jamais une attitude de tueur. Les étudiants faisaient tourner ses mains, et Yip Man souriait et prenait le contrôle de leurs mouvements. 
 
Je me sentais désespéré et donc je demandais à sifu comment je pourrais progresser. Il me dit « Pourquoi veux-tu toujours être comme les autres ? Tu sais que ça ne va pas fonctionner, pourquoi ne pas changer ? Travaille plus tes formes, laisse tomber les mains collantes pour un temps, fais tes formes plus lentement » J’étais perturbé ; je voulais apprendre le wing chun pour combattre. Je voulais de nouvelles façons de faire, de nouvelles techniques. Après toutes ces années, le conseil de Yip Man se résumait à ces quelques mots. J’étais déçu, mais je ne pouvais pas discuter. J’avais le choix entre tout arrêter ou faire ce qu’il me disait. Donc j’ai révisé toutes mes formes avec lui, et il les corrigea durant ces leçons particulières. Je pratiquais les mains collantes avec lui, doucement. Il me coachait et guidait mes mains comme l’aurait fait une baby sitter. De cette façon j’appris la douce manière défensive du wing chun. 
 
Qui pouvait connaître le très haut niveau de compétence de Yip Man ? Yip Man pouvait neutraliser la force de son adversaire, ou interrompre le mouvement de ce dernier avant même qu’il n’arrive à destination. Si vous prenez l’exemple d’une grosse voiture arrivant face à une petite voiture, vous savez que le conducteur de la petite voiture n’a aucune chance. Il n’a pas d’autre choix que de couper le moteur, se pousser et laisser la priorité au plus gros, car sinon la grosse voiture pourrait tout simplement détruire la petite. La question est donc : quelle est la taille de votre voiture ? Et par rapport à quoi ?
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