dimanche 17 octobre 2021

Entretien de Hawkins Cheung, avec Robert Chu [partie 3]

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Avant de lire cet article, je vous conseille de lire celui-ci, si ce n’est pas déjà fait. 
 
Partie 1 Partie 2Partie 3
 
Entretien de Hawkins Cheung, avec Robert Chu, dans “Inside Kung-Fu” Janvier 1992 
Traduction par Véronique

Le développement du wing chun
 
Chaque étudiant d’arts martiaux doit régler la question d’appliquer la partie physique. Tous les styles d’arts martiaux tendent à être théorique quand on en vient aux applications. Bruce a pu abandonner certains outils du wing chun, mais il n’a pas abandonné le développement du wing chun. Il a modifié l’art pour lui-même, pas pour vous ou moi. Bruce a utilisé le concept de l’interception et a « modifié l’arme » selon ses propres besoins. Personnellement j’ai gardé l’arme traditionnelle et ai fait en sorte qu’elle fonctionne pour moi. Yip Man a posé la question, et c’était à nous de résoudre le problème. Bruce et moi avons cherché des applications pratiques combinées avec l’aspect conceptuel. On pourrait dire que nous avons travaillé en parallèle au fil du temps.
 
Dans mon concept du wing chun, je dirais que Bruce avait des faiblesses. Si j’étais face à lui je tenterais de lire ses intentions. Je laisserais Bruce débuter avec son rythme saccadé, faisant de son rythme son point de départ. A ce moment, ses pieds ne sont plus au sol, j’aurais lancé une vive attaque surprise. Cette vitesse aurait été plus grande que celle du rythme de Bruce. En fonçant sur lui j’aurais cassé son rythme mental, en une seconde. Et alors je peux enchaîner avec des coups continus. Je lui aurais retourné un problème à résoudre. Toute la question est : est-ce que votre vitesse, lorsque vous foncez, est suffisante ?
 
Il y avait des trucs que nous utilisions tout le temps, quand nous étions encore des adolescents qui cherchaient la bagarre. Quand nous avions choisi notre cible nous nous contentions de marcher vers elle et de dire « Hey ! Je te parle ! » ou alors nous la touchions, ou la tirions. Nous attirions l’attention de notre victime. Si le gars était du genre nerveux il allait tenter de nous frapper, ou bien il dégageait notre main. Dès qu’il commençait nous initions notre timing en nous basant sur son mouvement. Si le gars était blessé nous disions « Ben alors ? C’est quoi ton problème ? On voulait juste te parler et tu as essayé de nous frapper le premier Mr Chan. » (c’était le nom imaginaire que nous utilisions) et la cible répondait « Je ne suis pas M. Chan. » et nous de répondre « Oh ? Nous pensions que vous étiez M. Chan ! Désolés ! » Si par hasard le gars ne réagissait pas à nos premières tentatives, nous maudissions sa mère, ou sa sœur. Nous cherchions à le faire sortir de ses gonds pour déclencher une bagarre. Nous étions vraiment de mauvais garçons !
 
L’objectif était de pousser l’adversaire à démarrer. Nous ne commencions pas la bagarre. Bruce a même amené ce truc dans un de ses films, le Retour du Dragon. Dans la scène du combat avec Chuck Norris, Bruce accélère son jeu de pieds. Norris commence à suivre le rythme et Bruce gagne à la fin.
 
Un art flexible
 
Beaucoup des élèves de Bruce se réfèrent à ce qu’il appelait « la version modifiée du wing chun ». Mais ce que voulait dire Bruce avec « modifié » est l’équivalent de ce qu’en wing chun on entend par « ressenti » ou « sensibilité ». Le wing chun autorise la modification dans le but de survivre. Il n’existe pas de wing chun modifié, un bon pratiquant de wing chun modifie constamment son art en fonction de ce qu’il ressent. Le wing chun est flexible, ce qui vous autorise à changer les choses selon votre ressenti. Quand Bruce a emprunté d’autre outils, la façon dont il les a utilisés les a modifiés, car Bruce ne pouvait pas totalement se débarrasser de ses réflexes acquis à travers le wing chun. Il restait toujours un arrière-goût de wing chun dans ce qu’il faisait. Les gens qui se réfèrent à lui aujourd’hui ne démontrent pas les attributs que Bruce a développés au fil des ans.
 
Bruce utilisait les méthodes du wing chun pour ce qui est du timing de départ, l’expression de l’énergie, la sensibilité (à travers le chi sao) et le ging (puissance de pénétration). Bruce ne pouvait pas enseigner le ressenti de son art. C’est comme si Carl Lewis tentait d’enseigner à quelqu’un la meilleure façon pour quitter le starting block plus rapidement. C’est une question de feeling, ça ne concerne ni la mécanique, ni les outils. La vitesse de Bruce était le résultat de son très long entraînement au wing chun. En wing chun il y a une qualité que nous appelons le « start timing », c’est l’art de démarrer rapidement, et cela change d’une personne à l’autre, selon qu’il aura des mains ou des jambes rapides. C’est le start timing qui l’a rendu rapide. Ce n’était pas une question de vitesse, c’était l’utilisation du start timing ! (NDLT : rien ne sert de courir il faut partir à point)
 
Le secret de la rapidité et de la puissance de Bruce était qu’il combinait la puissance physique et mentale. Bruce était expert en intimidation mentale. Bruce laissait transparaître sa colère et sa soif de vaincre dans tout ce qu’il faisait. Quand je lui demandais comment il pouvait être aussi rapide, il m’expliquait qu’il utilisait ses émotions pour rendre plus fulgurantes toutes ses techniques. Ceci était un grand pas s’éloignant du wing chun, dans la mesure où le wing chun enseigne à être calme et concentré.
 
Je me souviens quand nous pratiquions le wing chun ensemble, adolescents. Dès que Yip Man nous montrait de nouvelles techniques nous voulions les tester. Si ça n’avait pas l’air de fonctionner nous retournions voir Sifu et lui demandions de nous montrer encore la technique. L’un de nous observait ses mains, et l’autre la façon dont il bougeait le corps. Puis nous échangions nos renseignements, et faisions un mix. Nous demandions aussi à nos aînés. Là encore l’un observait la technique, l’autre les mouvements du corps. Nous leur demandions de corriger nos mouvements. Nous avons fini par nous pencher plus sur les mouvements du corps que sur les techniques. En effet une bonne ou une mauvaise technique est avant tout basée sur une bonne ou une mauvaise position ou structure. C’est ainsi que Bruce et moi avons piqué des techniques aux autres styles, nous les analysions et parfois même nous les améliorions. Tous ceux qui connaissaient Bruce savaient qu’il avait cette capacité. Bruce volait des techniques des autres, mais du fait de son tronc de « gorille » et de la puissance de ses avant-bras son coup aurait deux sortes de puissances : la puissance de l’avant-bras associée à celle de la rotation du corps.  Voilà pourquoi, quelque technique qu’il piquait il la rendait meilleure que l’original. La puissance de ses avant-bras a été développée à travers le wing chun du fait des années d’entraînement. Voilà pourquoi je dis que ses descendants n’ont pas ce qu’il avait.
 
Des bras puissants
 
Je me souviens quand nous faisions du chi sao, les bras de Bruce étaient vraiment puissants. Dès qu’il avançait le bras on en sentait la puissance. Mais je savais que le bas de son corps était faible, et si je l’attirais vers moi quand il avançait le bras il perdait son équilibre. Il devait alors arrêter son mouvement pour récupérer son équilibre. J’utilisais généralement cette méthode pour arrêter ses continuelles attaques. C’était ça son point faible. En wing chun, si on veut attaquer, les jambes doivent faire un mouvement vers l’extérieur avant que vous n’étendiez votre bras ou ne frappiez, ainsi vous ne perdez pas l’équilibre. Si votre bras est arrêté par la pression ou la puissance de votre adversaire, vous pouvez malgré tout continuer votre attaque car votre corps égalise cette pression portée contre vous. Vous pouvez continuer à étendre votre bras ou frapper, pendant que vous êtes intercepté. C’est ainsi qu’un bon pratiquant de wing chun utilise la puissance de deux façons en un seul mouvement : vous rechargez tout en frappant.
 
Du fait de la faible structure corporelle de Bruce c’était facile de le déséquilibrer. C’était aussi son désavantage quand il avait un adversaire plus grand qui voulait l’embrouiller pendant que Bruce frappait ou avançait son bras pendant les mains collantes. C’est peut-être ça qui a fait qu’il a abandonné la structure wing chun. Personne ne pouvait toucher sa main quand Bruce engageait un combat à distance. La puissance du haut de son corps, et ses méthodes de rotation créaient une force dévastatrice. C’était intelligent de sa part d’utiliser ces attributs à son avantage. Aux US Bruce ne combattait pas des pratiquants de wing chun, donc personne ne connaissait ses points faibles.
 
 
Ses jambes fines reportaient toute son énergie dans le haut de son corps. Cela lui donnait l’avantage de bouger ses jambes très rapidement. C’est aussi ça qui faisait qu’il était tellement bon danseur quand nous étions jeunes. Bruce améliora ses techniques de jambes en travaillant pendant deux mois les coups de pieds hauts du kung fu du nord avant d’aller aux US. Donner de bons coups de pieds implique une bonne puissance du haut du corps, donc Bruce était naturellement avantagé quand il s’est agi de donner des coups de pieds rapides et avec le bon timing. C’était donc son avantage pour les coups de pieds, et son désavantage pour ce qui est de la structure wing chun.
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2 commentaires:

  1. On a tous une soif à satisfaire, à mon âge j'ai plus envie dde savoir que de vaincre, je suis plus tourné vers le défensif avec un. Miniimum de gestes et d'efforts, tout en renforçant mon mental, c'est pourquoi j'aime tant voous l'ire, et j'espère que ça durera encore longtemps... 🙏🙏🙏

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    Réponses
    1. Pour le minimum de gestes et d'efforts, le wing chun est le bon art martial :) !
      Quant au savoir, je suis ravi d'y contribuer un petit peu !

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