dimanche 20 juin 2021

Hawkins Cheung [partie 2]

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Partie 1Partie 2 Partie 3 Partie 4
 
Source :  https://hawkinscheung.com/wp/about 
Traduction : Véronique 
 

Le soir du combat, j'allais dans le vestiaire du champion. Il était le frère de mon ami, et Bruce était censé le combattre. Je lui parlais et le prévins qu'il ferait face au Gorille, expert en gung-fu et non en boxe, dont il ferait bien de se méfier !
 
 
Le champion était intimidé, parce qu'il avait entendu dire que Bruce et moi pratiquions le gung-fu ensemble. Bruce, de son côté, était perturbé par le fait qu'il n'avait jamais pratiqué la boxe jusque-là. A début du combat, Bruce attaqua de l'intérieur, avec tan da(1) et entra dans la ligne centrale de son opposant. Le champion fut déstabilisé mentalement, tandis que Bruce continuait avec tan da suivi de coups de points directs dans le visage du champion, et c'est ainsi qu'il gagna le championnat. 
 
Le match suivant c'était moi contre un autre poids léger. Je fus disqualifié pour avoir utilisé tan da que les juges considérèrent comme interdit. 
 
En 1958 nous avons eu nos diplômes et Bruce me dit qu'il partait aux US selon les souhaits de son père. Il n'avait pas envie d'y aller, mais son père l'y obligeait. Bruce craignait son père et dû se résoudre à obéir. De mon côté il fut décidé que j'irai en Australie. Je demandais à Bruce ce qu'il souhaitait étudier, et il répondit qu'il allait devenir dentiste. J'éclatais de rire ! « Toi ? Dentiste ?, tes patients perdront toutes leurs dents ! » 
 
Bruce me dit que son père l'aiderait financièrement et paierait toutes ses dépenses aux US mais il voulait être indépendant. Pour gagner un peu d'argent il me dit qu'il voulait enseigner le wing chun. Je lui répondis qu'il n'avait pas grand-chose à enseigner pour l’instant, nous n'en étions tous deux qu'à la deuxième forme, la chum kiu, et connaissions 40 mouvements du mannequin de bois. Nous avions un ami que nous appelions Oncle Shiu (Shiu Hon Sang) qui enseignait des styles de gung-fu du nord. Bruce pensa que ça serait une bonne idée d'apprendre un peu de ces styles plus impressionnants et jolis à regarder avant de partir. A la fin des années 50 Bruce avait déjà décidé de garder secret son art. Beaucoup voulaient surtout un style qui en jette, pas un style qui soit efficace. Et Bruce allait leur donner ce qu'ils recherchaient. 
 
Nous sommes allés au club d'Oncle Shiu tous les matins à 7 heures. Nous avons commencé en apprenant lam ad (un style basique du gung-fu du nord). Je détestais le chien de Maître Shiu, et il me le rendait bien, aboyant après moi chaque fois que j'arrivais. Et en définitive, l'horaire et le chien m'ont fait abandonner. Bruce a continué pendant deux mois de plus et apprit gung lik kuen (entraîner des enchaînements de coups de poings puissants), bung bo kuen (un enchaînement basique de la mante religieuse) et jeet kuen (poing rapide), tous du nord. 
 
Tout résident de Hong Kong souhaitant s'en aller pour un autre pays, devait d'abord passer au commissariat de police pour s'assurer que son casier était vierge. Bruce se plia à cette obligation, et découvrit que nos deux noms étaient sur la liste noire des délinquants juvéniles. Il m'appela à la maison « Hawkins ! Gros problème ! Nos noms sont sur la liste des gangsters notoires ! Je vais au commissariat pour faire enlever mon nom, et tant qu'à faire je vais faire ôter le tien aussi. » Je le remerciais. 
 
Quelques jours plus tard un enquêteur de la police vint à mon domicile et me questionna quant à mes relations avec le monde des gangs. Les efforts de Bruce pour effacer mon nom m'amenèrent finalement des problèmes en attirant l'attention sur moi. Mon père dût payer l'enquêteur pour faire effacer mon nom, où je ne pourrai jamais aller à l'université en Australie. A ce moment-là j'ai détesté Bruce. 
 
Le jour où il partit je l'ai accompagné sur le quai. Après tant d'années à être aussi proches que des jumeaux, nous allions être séparés pour la première fois. Il se passerait bien des années avant que nos chemins se croisent à nouveau. 
 
(NDLT en 1958 ils ont environ 18 ans) 
 
Après que Bruce ait quitté Hong Kong, je suis allé en Australie pour fréquenter l'université. Nous restâmes en contact de manière épistolaire. Il me dit qu'il travaillait à temps partiel pour le Restaurant Ruby Chow à Seattle, et qu'il enseignait à quelques étudiants le wing chun, ainsi que certains aspects de ce qu'il avait appris d’Oncle Shiu. Il m'écrivait qu'il aimait vraiment le wing chun et qu'il souhaitait revenir à Hong Kong pour apprendre le reste du système. 
 
Hawkins Cheung et Wong Shun Leung
 
Il me disait de continuer avec le wing chun, et de ne pas abandonner. En fait je n'eus même pas le temps d'abandonner le wing chun. Quand j'arrivais à Sidney, c'était la fin des années 50. A peine 14 ans après la Seconde Guerre mondiale, l'Australie avait beaucoup souffert de l'occupation japonaise. Je me trouvais souvent pris dans les bagarres car à cette époque-là il y avait un profond ressentiment à l'égard de la communauté japonaise. Et ils confondaient toujours les Chinois et les Japonais. Parfois je devais combattre des types qui faisaient deux fois ma taille, juste pour survivre. L'Université était aussi fréquentée par de nombreux asiatiques du sud-est. Parfois la tension raciale et les différences culturelles dégénéraient en violence. Les bagarres démarraient sans prévenir. J'eus des soucis avec quelques gars pratiquant la boxe thaï. 
 
Ils se faisaient appeler les « combattants pour le prix », ils combattaient pour obtenir un prix, moi je le faisais pour ma vie. Les Thaï étaient difficiles à combattre car on avait l'impression qu'ils avaient 4 mains. J'écrivis à Bruce à ce sujet. J'apprenais comment appliquer mon wing chun contre d'autres arts martiaux. Bruce me répondit que si j'avais trop de problèmes en Australie je n'avais qu'à venir aux US et y étudier. Il me protégerait. 
 
Je retournais à Hong Kong en 1964. Un jour alors que je m’apprêtais à quitter ma place de parking avec ma voiture, je vis quelqu'un par ma vitre gauche. Je ne pouvais pas voir son visage. Je pensais que cette personne cherchait les ennuis, et j'ouvris ma portière, prêt à me battre. Et c'est là que j'ai vu que c'était Bruce. J'étais tellement heureux de le voir, et j'arrivais tout juste à dire « Hello » et il me dit « Hawkins, viens ici, j'ai un truc à te montrer » Bruce recula de deux pas, et soudainement chargea ultra rapidement. J'étais sidéré par la vitesse du mouvement. 
 
Une autre surprise était que le caractère de Bruce n'avait pas du tout changé. Il voulait toujours être le mâle alpha. Il voulait toujours faire le show. S'il vous appréciait, il vous disait toujours ce qu'il avait à l'esprit. 
 
S'il ne vous appréciait pas ça pouvait devenir très compliqué de traiter avec lui ! Bruce avait cette rare capacité à détourner votre attention. Parfois vous ne saviez absolument pas à quoi il pensait. J'étais souvent soupçonneux quand Bruce était trop gentil, ça pouvait signifier qu'il voulait quelque chose de vous, ou bien qu'il s'apprêtait à prendre l'avantage sur vous. Ce trait de caractère faisait que les gens l'aimaient, mais ça m'aidait aussi à l'embobiner. 
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(1) : taan sau et kyun
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