Partie 1 ●
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Texte de Benjudkins, traduit et adapté par Véronique
Intéressons nous enfin aux bat zaam dou de Yip
Man. Dans une interview récente Yip Ching, son fils, confirma que son père n’a
jamais emporté une paire de hudiedao fonctionnels à Hong Kong quand il a quitté
Foshan en 1949. Au contraire, il emporta une paire d’épées en bois de pêcher.
Ce sont ces “épées”
qu’il utilisa quand il établit le wing chun à
Hong Kong dans les années 50 et posa ainsi les fondements de sa future
expansion.
Une paire de hudiedao en bois, ce ne sont PAS ceux de Yip Man |
Ip man avait été, et souhaitait redevenir, un homme de loisirs. Il était bien éduqué, sophistiqué et urbain. Plus que toute autre chose, il se voyait comme un gentilhomme confucéen, et en tant que tel il était plus disposé à exposer une œuvre d’art dans sa demeure plutôt qu’une arme mortelle.
Les épées en bois de pêcher ont une signification
très importante en Chine (le pêcher est originaire de Chine et la pêche est
symbole d’immortalité), qui va au delà de l’aspect sécurité quand on les
utilise pour les arts martiaux. Les sceaux dont se servent les prêtres taoïstes
pour imprimer leurs talismans-amulettes étaient d’habitude faits en bois de
pêcher. Ils utilisaient aussi des épées en bois de pêcher pour chasser les
démons. Dans une version de l’histoire de la destruction du temple shaolin, les
cieux envoient une épée en bois de pêcher aux survivants shaolin et ils s’en
servent pour tuer des milliers de leurs poursuivants Qing.
Ip Ching raconte aussi que plus tard l’un de ses
étudiants prit ces armes en bois et en fit une réplique exacte en aluminium.
Plus tard encore il en fut fait une copie avec une lame en acier inoxydable et
une garde en aluminium (qui par la suite devint une garde en laiton). Mais
malgré tout cela je pense qu’il y aurait beaucoup à dire sur l’aspect
symbolique du bois de pêcher.
La vision populaire des hudiedao comme arme
d’artistes martiaux, rebelles et pirates doit toutefois être un peu modifiée.
Ces lames symbolisent également les forces de la loi et de l’ordre. Elles
étaient produites par milliers pour le gouvernement et payées avec les impôts
du peuple. Ceci était un choix raisonnable car en fait une bonne partie des
miliciens avaient une expérience de boxe chinoise et cela devenait très simple
de les entraîner à tenir et utiliser ces armes.
Cela change aussi ce que l’on pensait quant aux
arts martiaux de cette région. Par exemple les deux armes qu’on apprend à
maîtriser en wing chun sont le bâton long et le bat zaam dou. On dit en général
que ce furent les armes des moines shaolin voyageurs, ou celles de groupes rebelles
secrets qui voulaient lutter contre les gouvernements locaux. Le fait qu’on
puisse aisément cacher ces lames convient bien à ces versions de l’histoire.
A la lumière de nos nouvelles connaissances du
sujet il s’avère que ces deux armes classiquement enseignées dans le wing chun
sont en fait des armes des milices de la région Chine du Sud Est. Le combat au
bâton long n’est jamais qu’une étape dans l’apprentissage de l’utilisation
sophistiquée d’une lance. Et en tant que bâton il peut être enseigné à un paysan
milicien.
Nous savons aussi maintenant que les couteaux
papillon furent l’arme la plus commune pour les soldats paysans durant le
milieu eu XIXème siècle dans le Delta de la Rivière des Perles.
La première apparition historiquement vérifiable
du wing chun à Foshan se situe dans les années 1850/60. Cette importante ville
commerciale est littéralement située au centre du mouvement milicien dirigé par
les gentilshommes du Sud. Ce fut là qu’eurent lieu d’intenses combats en
1854/1856 et d’autres conflits futurs se profilaient à l’horizon.
Nous n’avons aucun preuve que Leung Jan
(1826-1901) fut un révolutionnaire secret. Il était un homme d’affaire renommé.
Leung Jan commença à pratiquer dans les années 1840, apprenant cet art des King
Fa Wui Goon Opera Troupe et plus particulièrement, dit on, de Leung Yee Tai.
Il y a toutefois des raisons tout à fait logiques
au fait que l’art martial qu’il développa permit à des individus très éduqués
et riches d’entraîner un groupe de personnes à l’utilisation du bâton long et
des hudiedao. Le wing chun contient tout ce dont on peut avoir besoin pour
lever et entraîner une unité milicienne.
L’évolution du wing chun fut fortement influencée
par l’histoire de l’activité milicienne de cette région mais aussi par l’éducation
miliaire encadrée par le gouvernement. Je ne serais pas surpris de découvrir
qu’il en fut de même pour d’autres arts martiaux du delta de la Rivière de
Perles à la même époque.
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