dimanche 22 janvier 2017

Les doubles couteaux dans les arts martiaux en Chine du sud [partie 3]

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Texte de Benjudkins, traduit et adapté par Véronique

Les premières traces écrites : les doubles couteaux chinois à Guanzhou dans les années 1820/30

Le premier texte écrit en anglais que j’aie pu retrouver est une petite note dans l’appendice de  Transactions of the Royal Asiatic Society dans son édition de 1827 : “une double épée chinoise.  Donnée le 5 novembre 1825”. Le Lieutenant colonel Charles Joseph Doyle a de toute évidence acquis une collection importante d’armes et souhaitait en faire don à cette société. Dans une époque précédant les musées publics, nationaux et autres, le fait de constituer des collections privées ou des cabinets, était très populaire dans certaines classes sociales.

L’expansion de l’empire britannique en Asie a augmenté les possibilités de collections, et avec eux a amené une série d’idées, de philosophies et de goût artistique.
Si donc le don de M. Doyle a été fait en 1825 le double couteau dont il est fait mention ne peut pas avoir été acquis plus tardivement que les années 20.

Un autre personnage important pour ce qui concerne la compréhension de la Chine en Amérique, est Nathan Dunn. Il importait thé, soie, et autres biens de Guangdong vers les Etats-Unis. Il devint fort riche et s’appliqua à faire en sorte de faire connaître positivement la Chine aux occidentaux. En 1816 il fut excommunié de chez les Quakers suite à une banqueroute. Bien que cela l’ait détruit socialement parlant, cela est sans doute la meilleure chose qui ait pu lui arriver. En 1818 il partit pour la Chine pour tenter d’y faire fortune à nouveau. Et il y parvint.

Contrairement à la plupart des marchands occidentaux, il trouva que le peuple chinois était intelligent et prompt à l’étude et à la contemplation. Il se refusa à faire commerce d’opium et se lia avec des Chinois de toutes les couches de la société. Appréciant son attitude ouverte tous ces individus l’ont aidé à amasser la plus importante collection privée d’artefacts chinois. En fait sa collection était plus importante que celle de la British East India Company et celle du gouvernement britannique !
Elle contenait tant des pièces artistiques que des objets du quotidien, en rapport avec l’industrie, la culture, l’horticulture, la philosophie. Dunn étudiait également la vie des gens, de quelque milieu qu’ils fussent. Et s’intéressait aux artefacts utilisés par les femmes. Et, évidemment, comme tout gentleman de cette époque, il collectionnait les armes.
Sa collection fut exposée à Philadelphie en 1838. Lors de l’ouverture au public on édita un catalogue, poétiquement intitulé « 10 000 choses chinoises » contenant des descriptions détaillées de beaucoup des objets exposés. Un tel document est d’un très grand intérêt. Il est intéressant de voir que non seulement il y est plusieurs fois fait mention de doubles couteaux, mais qu’on peut y trouver trace d’autres armes utilisées à la même époque dans la même région (Guangdong).

J’ai trouvé intéressant de voir que Dunn associait les doubles couteaux au fait de couper le tendon d’Achille d’un ennemi. Dans un ouvrage de 1801 de George Henry Mason on peut voir une illustration d’un prisonnier à qui on fait subir cette blessure avec une lame courte de forme droite. On disait qu’il s’agissait d’une punition pour les prisonniers ayant tenté de s’évader. On peut supposer que la conclusion de Dunn (ou en tout cas celle de son agent Chinois) soit une réminiscence de cet usage « judiciaire » des hudiedao par les officiers de l’Etat.
Voici donc les références les plus anciennes que j’aie pu trouver. Dans les années 20 les relations entre l’Ouest et la Chine étaient pacifiques, ce n’est que dans les années 1840 que cela devint conflictuel, et, de ce fait, on s’intéressa bien plus à l’armement de “l’autre”, de nombreuses descriptions de doubles couteaux apparaissent durant cette période. De même que de nombreuses gravures représentant ces armes, et leur usage.

Exemple de dao unique, sa poignée entièrement ronde empêchait de le glisser dans un fourreau avec une autre arme. Ce type d'épée était souvent fournie aux membres de milice armés de boucliers en rotin. S'il ne s'agit pas d'un hudiedao, cette arme s'en inspire grandement. Celle-ci mesure 60 cm de longueur

Karl Friedrich A. Gutzlaff quant à lui était un missionnaire protestant allemand dans le sud est de la Chine. Il y a œuvré dans les années 1830 et 40 et fut le premier de son genre à adopter la tenue vestimentaire chinoise. Il fut un observateur de la guerre de l’Opium et fut membre d’une mission diplomatique britannique en 1840.
Une de ses occupations consistait à faire une étude de la géographie de la Chine. Dans le volume II de cet ouvrage de 1838 il parle de la situation militaire chinoise à Guangdong. Nous y trouvons cette note : “les arcs chinois sont fameux pour leurs tirs à longue distance, (…) Deux épées portées dans un seul fourreau, permettant au guerrier de se battre avec les deux mains, sont données aux membres de diverses divisions. Ils portent des boucliers en rotin (...)”
J’ai parfois entendu parler de hudiedao portant des marques de régnants, ou des marques de propriété militaire mais je n’en ai jamais vus et ne peux donc pas juger de la véracité de ces dires. En règle générale il est de notoriété publique que les doubles couteaux étaient utilisés par les civils et dans les unités militaires recrutées par le gouverneur de Guangdong lors des échauffourées avec les troupes britanniques.
Dans l’édition de mai 1840 du Asiatic Journal on trouve cette note : “le gouverneur Lin a engagé 3000 recrues, qui ont été déployées près de Canton pour s’entraîner à l’usage de l’arc, de la lance et des doubles couteaux. Cette arme est spécifique à la Chine. Chaque soldat est armé de deux épées, courtes et à lame droite, une dans chaque main, qui, si on les percute, produisent un son métallique, qui, nous le pensons, effrayera l’ennemi”.
Il s’agit là de la première référence que j’aie trouvée d’une utilisation “sonore” des doubles couteaux avant la bataille.
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