Partie 1 ●
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Texte de Benjudkins, traduit et adapté par
Véronique
Les premières traces écrites :
les doubles couteaux chinois à Guanzhou dans les années 1820/30
Le premier texte
écrit en anglais que j’aie pu retrouver est une petite note dans l’appendice
de Transactions of the Royal Asiatic
Society dans son édition de 1827 : “une double épée chinoise.
Donnée le 5 novembre 1825”. Le Lieutenant colonel Charles Joseph Doyle a de
toute évidence acquis une collection importante d’armes et souhaitait en faire
don à cette société. Dans une époque précédant les musées publics, nationaux et
autres, le fait de constituer des collections privées ou des cabinets, était très
populaire dans certaines classes sociales.
L’expansion de
l’empire britannique en Asie a augmenté les possibilités de collections, et
avec eux a amené une série d’idées, de philosophies et de goût artistique.
Si donc le don
de M. Doyle a été fait en 1825 le double couteau dont il est fait mention ne
peut pas avoir été acquis plus tardivement que les années 20.
Un autre
personnage important pour ce qui concerne la compréhension de la Chine en
Amérique, est Nathan Dunn. Il importait thé, soie, et autres biens de Guangdong
vers les Etats-Unis. Il devint fort riche et s’appliqua à faire en sorte de
faire connaître positivement la Chine aux occidentaux. En 1816 il fut
excommunié de chez les Quakers suite à une banqueroute. Bien que cela l’ait
détruit socialement parlant, cela est sans doute la meilleure chose qui ait pu
lui arriver. En 1818 il partit pour la Chine pour tenter d’y faire fortune à
nouveau. Et il y parvint.
Contrairement à
la plupart des marchands occidentaux, il trouva que le peuple chinois était
intelligent et prompt à l’étude et à la contemplation. Il se refusa à faire
commerce d’opium et se lia avec des Chinois de toutes les couches de la
société. Appréciant son attitude ouverte tous ces individus l’ont aidé à
amasser la plus importante collection privée d’artefacts chinois. En fait sa
collection était plus importante que celle de la British East India Company et
celle du gouvernement britannique !
Elle contenait
tant des pièces artistiques que des objets du quotidien, en rapport avec
l’industrie, la culture, l’horticulture, la philosophie. Dunn étudiait
également la vie des gens, de quelque milieu qu’ils fussent. Et s’intéressait
aux artefacts utilisés par les femmes. Et, évidemment, comme tout gentleman de
cette époque, il collectionnait les armes.
Sa collection
fut exposée à Philadelphie en 1838. Lors de l’ouverture au public on édita un
catalogue, poétiquement intitulé « 10 000 choses chinoises »
contenant des descriptions détaillées de beaucoup des objets exposés. Un tel
document est d’un très grand intérêt. Il est intéressant de voir que non
seulement il y est plusieurs fois fait mention de doubles couteaux, mais qu’on
peut y trouver trace d’autres armes utilisées à la même époque dans la même
région (Guangdong).
J’ai trouvé
intéressant de voir que Dunn associait les doubles couteaux au fait de couper
le tendon d’Achille d’un ennemi. Dans un ouvrage de 1801 de George Henry Mason
on peut voir une illustration d’un prisonnier à qui on fait subir cette
blessure avec une lame courte de forme droite. On disait qu’il s’agissait d’une
punition pour les prisonniers ayant tenté de s’évader. On peut supposer que la
conclusion de Dunn (ou en tout cas celle de son agent Chinois) soit une
réminiscence de cet usage « judiciaire » des hudiedao par les
officiers de l’Etat.
Voici donc les
références les plus anciennes que j’aie pu trouver. Dans les années 20 les
relations entre l’Ouest et la Chine étaient pacifiques, ce n’est que dans les
années 1840 que cela devint conflictuel, et, de ce fait, on s’intéressa bien
plus à l’armement de “l’autre”, de nombreuses descriptions de doubles couteaux
apparaissent durant cette période. De même que de nombreuses gravures représentant
ces armes, et leur usage.
Karl Friedrich A. Gutzlaff quant à lui était un missionnaire protestant allemand dans le sud est de la Chine. Il y a œuvré dans les années 1830 et 40 et fut le premier de son genre à adopter la tenue vestimentaire chinoise. Il fut un observateur de la guerre de l’Opium et fut membre d’une mission diplomatique britannique en 1840.
Une de ses occupations consistait à faire une
étude de la géographie de la Chine. Dans le volume II de cet ouvrage de 1838 il
parle de la situation militaire chinoise à Guangdong. Nous y trouvons cette
note : “les arcs chinois sont fameux pour leurs tirs à longue distance,
(…) Deux épées portées dans un seul fourreau, permettant au guerrier de se
battre avec les deux mains, sont données aux membres de diverses divisions. Ils
portent des boucliers en rotin (...)”
J’ai parfois entendu parler de hudiedao portant
des marques de régnants, ou des marques de propriété militaire mais je n’en ai
jamais vus et ne peux donc pas juger de la véracité de ces dires. En règle
générale il est de notoriété publique que les doubles couteaux étaient utilisés
par les civils et dans les unités militaires recrutées par le gouverneur de
Guangdong lors des échauffourées avec les troupes britanniques.
Dans l’édition de mai 1840 du Asiatic Journal on
trouve cette note : “le gouverneur Lin a engagé 3000 recrues, qui ont
été déployées près de Canton pour s’entraîner à l’usage de l’arc, de la lance
et des doubles couteaux. Cette arme est spécifique à la Chine. Chaque soldat
est armé de deux épées, courtes et à lame droite, une dans chaque main, qui, si
on les percute, produisent un son métallique, qui, nous le pensons, effrayera
l’ennemi”.
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