Partie 1 ●
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Texte de Benjudkins, traduit et adapté par Véronique
Né en 1805 J. Elliot Bingham a servi pendant 21 ans dans la Marine royale. A la fin des années 1830 il était sur le HMS Modeste mis à l’eau en 1837 avec un équipage de 120 hommes. Ils furent témoins de nombreux combats tout le long de la côte de Guangdong et sur la rivière des Perles entre 1839 et 1841.
Du fait de sa
condition militaire le Commandant Bingham fut un observateur de tout ce qui
concerne les armes chinoises et il nous a laissé ce qui est considéré comme le
meilleur compte rendu de l’utilisation des hudiedao par les troupes miliciennes
à la fin des années 1830.
« 21 mars,
Lin a posté 3000 hommes, dont le tiers était armé de doubles épées. Ces doubles
épées, quand elles sont dans leur fourreau, ont l’air d’être d’épaisses armes
grossières d’environ 2 pieds (note de Orphée : environ 61 cm) de long,
leur garde est droite avec à son extrémité la plus proche de la lame une partie
formant comme un ergot d’environ 2 pouces (note de Orphée : environ 5 cm) de long. Quand elles sont sorties du fourreau,
le pouce de chaque main est passé sous cet ergot (ainsi l’épée est elle
suspendue à la main) jusqu’à ce qu’un mouvement du poignet amène la garde
fermement tenue dans la main du guerrier. Ces héros effroyables frappent les
lames entre elles, coupent l’air dans toutes les directions, accompagnant leur
action de cris violents et de grimaces hideuses, ils avancent, augmentant
progressivement leurs gesticulations et grimaces, espérant ainsi faire fuir
l’ennemi. Lin a grandement confiance dans le pouvoir de ces hommes »
(J. Elliot Bingham. Narrative
of the Expedition to China, from the Commencement of the Present Period. Volume
1. London: Henry Colburn Publisher. 1842.)
Le Commandant
Bingham fut grandement impressionné par les milices chinoises et leurs
armements exotiques. En réalité Lin mena ses forces dans une situation où ils
étaient nettement sous armés par rapport à la Marine Britannique. Toutefois ce
compte-rendu comporte un trésor d’informations. Cela confirme que les compte
rendus plus anciens, parlant de doubles épées utilisées par les milices de
Guangzhou dans les années 1830 faisaient bel et bien référence au hudiedao.
Fredric Wakeman,
dans son étude intitulée Stranger at
the Gate: Social Disorder in Southern China 1839-1861 cite des rapports du
service d’espionnage disant que Lin avait effectivement levé une troupe de 3000
hommes. Apparemment il n’avait pas confiance dans les capacités de l’armée de
l’étendard vert (armée constituant les forces militaires de la dynastie
mandchoue des Qing) pour faire le travail, et l’armée Mandchou était trop
indisciplinée, représentant ainsi un plus grand danger pour la paix et la
sécurité de la zone que ne l’étaient les Britanniques eux mêmes.
Il avait donc d’une
part augmenté la puissance de ses batteries côtières, mais avait aussi fait
appel à la milice et aux mercenaires parce que ces troupes étaient considérées
comme plus engagées dans la cause, et dignes de confiance (nous rappelons qu’elles
étaient formées de gens de la bonne société) que ne l’était l’armée régulière.
Bingham avait donc raison, Lin a mis sa confiance dans les milices.
Le Ministère des
Affaires Étrangères a rapporté que Lin a donné ordre à chaque membre de la
milice d’être armé d’une lance, un casque en rotin, et une paire de doubles
couteaux. D’autres rapports parlent également d’arcs et d’un certain nombre de
vieux mousquets trouvés dans les stocks gouvernementaux de Guangdong.
Des membres locaux
de la bonne société opéraient en parallèle à la levée de fonds par le biais de groupes
« scolaires » confucianistes, afin de procurer des armes et des
approvisionnements à ces unités, organisaient des systèmes de communication, et
même mettaient en place des services d’assurance. Il semblerait même que les
hudiedao utilisés par la milice à ce moment là aient été fabriqués dans
l’urgence dans de petites échoppes du
delta de la Rivière des Perles.
Une partie le fut
aussi à Foshan (base d’un grand nombre de mouvements wing
chun, choy li fut et hung gar) Foshan était le centre névralgique de
l’artisanat régional, et détenait le monopole du fer et de l’acier impériaux.
Cela en faisait naturellement le centre de la production des armes. Nous savons
par exemple que d’importantes fonderies de canons étaient situées à Foshan.
Autre avantage pour cette ville : le fait qu’y convergeaient plusieurs
cours d’eau permettant la distribution de la production.
Bingham est le
premier à nous donner une description précise de la poignée tout à fait unique
de ces doubles épées. Il est très intéressant de lire ce qu’il dit au sujet de
l’appendice parallèle à la lame et se terminant par un ergot, cette description
recoupe ce que nous voyons sur les armes historiques en notre possession à
l’heure actuelle. Ce style de garde bien que n’étant pas présent sur tous les
hudiedao, est assez commun. Il ne se trouve toutefois que sur les armes du sud
de la Chine. Dans la mesure où ce n’est pas une méthode de fabrication
traditionnelle chinoise, on peut se demander comment et pourquoi elle fut
adoptée.
Il y a à minima une
ressemblance superficielle entre ces gardes et les poignées de certains
coutelas navals occidentaux de cette même période. Il est possible que la garde
en D ait été adoptée et popularisée suite au contact de plus en plus fréquent
avec les armes occidentales dans le sud de la chine. Dans ce cas il serait
cohérent que les collectionneurs occidentaux de Guangzhou dans les années 1820
aient été les premiers observateurs à remarquer cette nouveauté.
L’utilisation de
l’ergot est également sujette à débat. Beaucoup d’artistes martiaux modernes
disent que cela servait à attraper (accrocher) la lame de l’adversaire. Il y a
effectivement un manuel d’entraînement d’arts martiaux de 1850 qui montre des
boxers locaux pratiquant exactement cela. Toutefois, comme le fait remarquer le
traducteur britannique de ce manuel, cette méthode ne peut pas fonctionner
contre une lame plus longue, ou un opposant très déterminé.
Quoi qu’il en soit
il est intéressant de voir un compte rendu historique sur le sujet dans les
années 1830.
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