dimanche 15 avril 2018

Interview de Keith R. Kernspecht [partie 1]

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Partie 1 Partie 2

Traduction par Renaud, merci à lui !
 
Keith Ronald Kernspecht, Kung Fu Kaiser, Black Belt, volume 21, numéro 6, juin 1983

Dans un château d’Allemagne de l’ouest, dédié à la pratique des arts martiaux, l’un des principaux pionniers européens évoque l’histoire du kung fu et des arts martiaux sur le vieux continent.

L’art du grand maître, feu-Yip Man, appelé wing chun, ving tsun ou wing tsun selon la lignée, devient de plus en plus populaire sur la planète. Quand Bruce Lee rend le système fameux en en faisant le cœur de son propre jeet kune do, d’autres professeurs ont introduit cet art d’attaque/défense simultanée sur tous les continents. Pas de doute c’est bien Bruce Lee, l’un des premiers sinon le premier, qui l’a introduit aux Etats-Unis. William Cheung, un autre disciple direct de Yip Man, l’a lui diffusé en Australie.

L’homme le plus utile dans la diffusion du style, du moins celui de sa branche propre, le Wing Tsun, à travers livres et articles, est le professeur chinois, Leung Ting. Son système s’est installé au-delà de Hong Kong, dans une vingtaine de pays : Allemagne, Autriche, Suisse, Danemark, Suède, Finalnde, Angleterre, Irlande du Nord, Grèce, Italie, Espagne, Portugal, Yougoslavie, Pologne, Egypte, Etats-Unis, Venezuela, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, et Philippines.

Au milieu des années 70, Leung Ting a introduit son style en Allemagne de l’Ouest, invité par un professeur de Kempo, Keith R. Kernspecht, par ailleurs professeur d’université et de lycée. Aujourd’hui, Kernspecht, 38 ans, est l’étudiant non-chinois le plus gradé de Leung Ting et a développé lui-même le wing tsun dans neuf pays européen. En 1978, il crée l’European Wing Tsun Organization (EWTO).

Une soixantaine d’écoles de wing tsun sont supervisées par Kernspecht en Europe et leur quartier général est un vieux château près d’Heidelberg, sans doute le lieu le plus beau et romantique d’Allemagne. Parallèlement à l’écriture de livres à succès sur les arts martiaux ésotériques, Kernspecht écrit dans plusieurs magazines européens. Il vient même de créer le trimestriel de 52 pages, Wing Tsun Welt, entièrement consacré à l’art martial de Yip Man. Black Belt interviewe Kernspecht à Heidelberg.

Black Belt : M. Kernspecht, on dit que vous êtes le pionnier du kung fu en Europe. Etiez-vous vraiment le premier à l’enseigner ici ?

Keith R. Kernspecht : Il y avait aussi Al Dacascos et son style wun hop kuen do. Il a organisé de beaux spectacles autour du kung fu, des tournois aussi. Il faisait du bon boulot. Il y avait à l’origine beaucoup de préjugés sur le kung fu, nous devions constamment montrer que le kung fu n’était pas juste une danse débile, que certains pratiquants bidons promouvaient. Pas de doute maintenant, le wing tsun est le style le plus répandu en Europe, à l’exception du tai chi peut-être.

On nous a raconté des trucs fantastiques à votre sujet, à propos par exemple d’un centre sur les arts martiaux dans un beau château près d’Heidelberg. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Depuis plus de 10 ans, j’essaie de donner une bonne image des arts martiaux à travers des publications, des articles. Le château comme quartier général est une progression logique dans ce sens. Les arts de l’escrime, de la lance, sont solidement implantés dans les châteaux allemands. Nous avons juste réactivé cette vieille tradition de l’époque médiévale.  L’immense parc du château, avec le lac, la salle d’escrime, le marbre, le bois massif, cette atmosphère qui s’est développé à travers les siècles, te font oublier ta vie de tous les jours. Là tu peux te détendre, te consacrer à des arts purs, tu peux ressentir.

  Le château de Langenzell

Le château a été construit par un prince allemand. Il y a 99 tours et tourelles. A l’époque où il l’a construit, il ne manquait pas de moyens financiers, ni de personnels. L’architecture onéreuse et l’énorme parc qui nécessitait 40 jardiniers le montrent bien. Beaucoup de pratiquants partagent ce rêve. Un monastère ou un château entièrement consacré aux arts martiaux. Ça m’a pris beaucoup de temps et d’argent pour y arriver. J’ai cherché ce type d’endroit pendant des années. C’est à 15 minutes de voiture d’Heidelberg, qui est à une heure de train de Francfort (il y a là-bas un aéroport international).

On a au château toutes les installations nécessaires : grande salle pour les arts martiaux, pièces pour la muscu, terrasses à l’abri de la pluie, prés, forêts et de beaux endroits pour s’entraîner en plein air (pur). Sont situés pas très loin, des hôtels, des maisons d’hôtes, des endroits pour faire des randonnées, jouer au squash, au tennis… Sans parler de la romantique Heidelberg, avec ses vieux bars et ses bons restaurants. Chaque année, on organise au château des cours intensifs de wing tsun et d’escrima, organisés pour les débutants et les confirmés. Parallèlement à ces cours spéciaux, on y donne des cours privés chaque jour.

Il paraît que le château est aussi le QG de la World Martial Arts Instructors Council (WMAIC). Quels en sont les buts ?

Il y a beaucoup de rivalités, de jalousies, de préjugés parmi les professeurs d’arts martiaux partout dans le monde. Non seulement entre les différents styles, mais aussi à l’intérieur des styles eux-mêmes. Cela donne une mauvaise image des arts martiaux. L’un des buts de ce conseil est l’amitié, la compréhension ou au moins la communication entre les différents professeurs de différents styles. L’autre but est que les professeurs sachent se gérer eux-mêmes. Je voyage beaucoup et j’ai pu constater que dans certains pays, les états ont établi des commissions qui contrôlent les arts martiaux et donnent des autorisations pour ouvrir des écoles.

Du coup, dans certains pays, on se retrouve dans des situations inconfortables où des professeurs de kung fu doivent prouver leurs compétences devant des professeurs… de karaté. Quand des états en Europe demandent à des fédérations de karaté de gérer les affaires d’écoles de kung fu ou d’escrima (note d’Orphée : comme quoi ça ne date pas d’hier), on pense qu’il y a des choses à faire. Nous avons convaincu les officiels en Allemagne que les arts martiaux ne sont pas tous pareils, qu’ils se fondaient sur des philosophies différentes, parfois des théories antagonistes. C’est là que l’idée a germé. On voulait se faire entendre.

Comment sont choisis les membres du WMAIC ?

Les membres présents cooptent les nouveaux membres de haut niveau et de bonne réputation. On n’y entre pas en monnayant son entrée. Nous ne publions même pas la liste de nos membres, c’est privé.

Nos lecteurs sont assez peu informés de ce qui se passe en Europe. Cela fait 25 ans que vous êtes acteur des arts martiaux en Allemagne, vous voyagez constamment à travers l’Europe, quelle est la situation des arts martiaux en Allemagne ?

J’ai commencé il y a 24 ans par la lutte, très ancrée en Allemagne, puis j’ai abordé le ju-jitsu, le judo, le karaté. Je pense que j’étais parmi les 50-60 premiers karatekas en Allemagne. C’était au début des années 60. Notre professeur était en fait un spécialiste du ju-jitsu qui enseignait selon l’ouvrage de référence “Karaté” de Nishiyama et Brown. Plus tard le BKD (la fédération allemande) a ouvert des dojos et a rendu le karaté populaire. Le style le plus répandu (il l’est toujours) est le Shotokan. Les styles Wado et le Goju se sont aussi bien implantés en Allemagne. Dix ans plus tard, le taekwando coréen est arrivé sur le marché avec ses coups de pieds et ses sauts spectaculaires. Beaucoup de karatékas, d’abord sceptiques, se sont convertis à cette discipline. J’ai essayé aussi pendant un an, j’ai trouvé ça génial mais ce n’était pas ma tasse de thé. A la fin des années 60, j’avais déjà lu des articles sur Yip Man dans des publications de Hong Kong.

Je suis parti à la recherche d’un prof dans les quartiers chinois des villes européennes. J’y ai reçu un enseignement, maintenant que j’y pense, qui n’était pas vraiment authentique, personne ne m’a enseigné le système complet. Au début des années 70, j’ai rencontré Cheng Chuan, un acrobate chinois, qui avait appris le wing chun d’un professeur, Lee, installé à Londres. Je lui suis encore reconnaissant pour la visite de son école (qui n’existe plus malheureusement). Bien que les instructions aient été en chinois, la plupart de ses étudiants étaient chinois, j’en ai bien profité. Du coup dans les années 70, j’ai abandonné l’enseignement du karaté et du kempo, j’ai confié ma classé de karaté à un 2e dan,  et j’ai ouvert le premier kwoon de wing tsun en Allemagne.

En 1974, je suis entré en contact avec Leung Ting, mon professeur de Hong Kong. Il accepta mon invitation à venir en Allemagne en 1976. Depuis il vient en Allemagne ou en Europe une fois par an pour plusieurs semaines. J’ai appris de lui non seulement à Hong Kong mais surtout en Europe. Ce qui m’a permis de continuer à travailler tout en apprenant le wing tsun.
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